Thomas Agrinier
Peintures
07 mai 2020 > 12 juin 2020
Vernissage : mercredi 06 mai 2020/ 18 h 30
Entrée libre
Shebam ! Pow ! Blop ! Wizz : comme à l’écoute de la chanson Comic Strip, écrite par Serge Gainsbourg il y a tout juste un demi-siècle, à la vue des peintures de Thomas Agrinier l’esprit bondit, le cœur se trémousse, un souffle joyeux irradie l’espace du regard. Éclaboussures rose malabar, constellations de taches turquoise, empreintes de doigt immaculées, traces dynamiques, effets fluides ici, cotonneux là, irisations subtiles, harmonies intenses : ces images palpitent. Des gestes puissants, campés dans des compositions géométriques savantes, incarnent des situations ambigües, fondamentalement vives. Elles se déroulent dans des ambiances d’aurore ou de crépuscule, générant des dégradés et des variations colorées enchantées, baignées des lueurs électriques, évoquant un monde urbain – piqueté de stations-service et d’hyper-marchés – et cependant sauvage.
Face aux effets de damiers et d’arc-en-ciel qui font ici chanter la polychromie, aux systèmes subtils de juxtaposition et de superpositions des couleurs, l’esprit s’enthousiasme. « Travailler des transparences entre différentes choses, pour arriver à ce qu’on ne sache pas s’il s’agit d’un extérieur ou d’un intérieur » : le bal des formes génère lui aussi des impressions d’épiphanie et d’apparition : une flaque se fait pieuvre, une chevelure, anémone, les métamorphoses abondent, dans cet univers peuplé de formes souples, qui narguent l’apesanteur. Elles dialoguent avec des modules graphiques géométriques, installant des repères fixes, qui donnent aux compositions une stabilité impressionnante. « À la fois le calme et la tempête, ça, ça me plait… » S’il est ici question du chaos, il s’agit aussi, magistralement, de son orchestration.
La peinture des autres ? Thomas Agrinier la dévore dans les livres, sur son ordinateur et dans les expositions, particulièrement intéressé par la figuration luminescente, fluide et onctueuse de Chris Offili, de Peter Doig, de Richard Prince ou de George Condo. Il se nourrit surtout d’images cinématographiques capturées ou de photographies trouvées. Il en transforme les mouvements en dessins, qui se succèdent en abîme jusqu’à ce qu’une figure inédite s’impose. La casquette d’un ouvrier russe, la course d’un enfant, la silhouette de Gena Rowland, dans le film de John Casavettes Une femme sous influence (1974), et voilà que la toile Cache-cache surgit, par exemple, en 2011. « L’Internet et Photoshop amènent à réfléchir autrement. Le collage, c’est presque la norme. »
« Une sorte de simplicité arrive, que j’ai envie d’exploiter », dit encore l’artiste, né à Lyon en 1976, et devenu parisien deux ans plus tard. Ancien guitariste et compositeur, branché hip hop et jazz, depuis une dizaine d’années il se consacre entièrement à la peinture, pratiquée en autodidacte depuis l’âge de dix-neuf ans. C’est à force d’expérimentations, de collages de gommettes par exemple, qu’il a conçu une manière picturale inédite, renouvelant profondément l’aventure de la Figuration. En multipliant les couches, en les essuyant à la main, en cuisinant la matière de chaque toile un mois durant, en jouant « du graphique et de l’organique » jusqu’à ce que « l’illusion d’optique » fonctionne à merveille, il parvient à ce que «l’oeil se promène bien, à condition que l’intention première soit toujours là ».
Parcours ? Une expo dans l’atelier d’une amie peintre en 2008, le Salon de Montrouge un an plus tard, le soutien sans faille de son directeur d’alors, Stéphane Corréard, et d’un collectionneur rencontré en 2009, Georges Maisonneuve, et tout a démarré. Depuis, les expositions se sont multipliées à Paris et à Leipzig, en particulier grâce à la Galerie Estace.
Objectif ? Passer un message « sans qu’on parvienne à mettre des mots » ! Agir en peintre : matières, couleurs, formes et compositions lui suffisent, pour transmettre une vision inspirée du monde actuel. « Toujours faire quelque chose de positif, quelque chose qui donne envie… Montrer les enfants que nous sommes restés. » Et aussi, « toucher à l’essentiel. Aux rapports entre les individus, à l’interaction. À la pureté des rapports francs et sincères. Et en même temps, à l’ironie liée à la société. Deux personnages qui se serrent la main, je trouve cela intéressant. » Voire, essentiel.