EXPOSITION JEUNE PUBLIC MCL
« RES(T)ITUER«
23 juin > 25 juillet 2025
Vernissage : Dimanche 22 juin 2025 à 17h
Entrée libre
Projet exposition jeune-public
Res(t)ituer
Comment exposer des projets d’enfants réalisés lors d’ateliers au sein d’un espace d’exposition d’art contemporain ?
Si le réflexe serait d’exposer ces projets professionnellement, dans une artification individuelle de chaque production, la MCL prend le contrepied et assume leur caractère protocolaire et sériel. Cette exposition ne présente donc pas des œuvres d’art mais bien des restitutions d’ateliers, mis en espace par le biais de dispositifs scénographiques, et s’inscrivant dans la pensée d’un art en commun1 où le processus de création prime sur l’objet fini.
La restitution, dans le cadre de travaux artistiques menés par des travailleur·euses culturel·les, scolaires, ou par des artistes intervenant·es auprès d’un public spécifique, consiste habituellement en une mise en espace des seules réalisations des participant·es, décontextualisées de leur procédés de réalisation. Cela confère aux objets montré un statut flou, non-revendiqué par ses propres créateur·ices – ou revendiqué de manière subjective par chaque participant·e au regard de l’expérience traversée (indivuellement et/ou collectivement) lors de la temporalité de l’atelier.
Dans le cas de l’exposition Res(t)ituer, le statut d’oeuvre d’art et projets exposé devient annexe, là où se crée l’espace pour valoriser une expérience partagée, balisée par des protocoles sous forme d’exercices. Ces contraintes créatives imposées, associées à la captivité du jeune-public, entrent en dialogue et en débat avec la singularité des participant·es et leur choix conscient ou inconscient d’habiter le cadre du protocole. Aussi, pour un exercice proposé, les participant·es (des enfants et adolescent·es de 3 à 17 ans) jouent avec le cadre et les consignes, investissent ces protocoles et les font vivre, mais les déforment aussi : les adaptent, les transgressent, les refusent et se les réapproprient en fonction de leur âge, de leur genre, de leur milieu social, de leurs expériences, mais aussi de leur approche singulière au geste artistique et aux enjeux pluriels qu’il convoque.
L’acte de restituer revêt des significations variées en fonction du contexte dans lequel il s’active : dans le domaine archéologique, dans le domaine du droit, de la topographie… Artistiquement parlant, la restitution vise à attribuer à un·e artiste ou un·e auteur·ice l’origine d’une œuvre. Cette définition, prise telle quelle, nuance la démarche de cette exposition, qui, en souhaitant décaler le regard non sur l’oeuvre mais sur le protocole qui l’induit, s’autorise d’une manière ou d’une autre à mettre de côté les individus qui sont à l’origine même de ce qu’il y a à voir, à percevoir, à ressentir – une réminiscence d’une autre forme de restitution figurée, qui consiste à rendre à quelqu’un·e ce dont on l’avait injustement privé·e… Ainsi se crée un aller-retour permanent entre l’intérieur du cadre et son extérieur, l’individu et le collectif, le commun et le singulier.
Si restituer les projets des enfants est une démarche ambivalente de part les relations qu’elle se permet d’investir ou au contraire d’ignorer, cette exposition a l’ambition – tout en rendant perceptible des processus de création commune – de rendre compte d’un panel d’outils propres à l’éducation artistique et culturelle (EAC), une des missions clé de notre association : la Maison de la Culture et des Loisirs. Notre position en tant que MJC, association de quartier et institution culturelle financée par les collectivités territoriales, nous autorise une porosité et une transversalité permanente, parfois nébuleuse mais précieuse, qui s’incarne dans la diversité des liens qui se nouent dans nos espaces, auprès de notre équipe, avec des publics composites, actifs et sensibles.
Au sein de cette exposition, la restitution s’allie à un gester qui vient resituer ces réalisations d’ateliers au regard de notre savoir éducatif et de la manière dont il vient épouser la spécificité de chaque groupe accueilli dans le cadre d’ateliers : la mise en valeur des protocoles est pour nous une manière de remettre ces réalisations artistiques dans leur contexte. Un contexte de partenariat avec des structures scolaires, périscolaires, mais également un contexte de partenariat avec des artistes intervenant·es, comme celles et ceux du collectif LaSauce, qui a travaillé avec la MCL cette année. Un contexte social compliqué, où le financement des associations artistiques et de leurs travailleur·es (salarié·es et/ou indépendant·es) devient difficile. Un contexte politique sinistre, où la création contemporaine peine à s’improviser comme force progressiste pour contribuer aux remparts qu’une partie de la société tente de mobiliser contre l’ébullition des idéologies réactionnaires.
Res(t)ituons clôt la saison 2024/2025 de la MCL et de sa galerie. La thématique, cette année, laissait le champ libre à une programmation qui espérait incarner la surprise, le piquant et l’intranquilité ! Dépourvue de titre, cette orientation s’incarnait dans une citation de Feng Menglong : « Mieux vaut être un chien en temps de tranquilité qu’un humain en temps de chaos » . Nous vous laissons donc le plaisir de découvrir cette exposition un peu particulière, où les différents projets, exposés et accompagnés de leurs protocoles, se font écho sans se faire concurrence.
En écho et en réponse au chaos, la MCL souhaite affirmer – peut-être naïvement, mais poétiquement – qu’il y demeure toujours des enfants qui dessinent, et des espaces pour les accueillir.
Camille Barbisch & Lucie Medda